
Premier dossard depuis plus d’un an. J’avais peur de l’échec ou de l’hype. J’ai décidé de changer d’approche – Vincent CHARTIER
Déjà plus d’un an que je n’avais pas accroché un dossard… Et oui, que le temps passe vite. Cela avait commencé par 6 mois sans course à pied où il m’était devenu complètement impossible de courir sous Lantus avec des hypoglycémies à répétition et sources de stress. Le temps de changer de traitement (pompe à insuline pour avoir de la souplesse sur les débits basals) puis couper complètement de mon activité favorite pour me ressourcer. Les 6 mois suivants se sont consacrés très progressivement à la reprise, sans brûler les étapes.
L’adhésion au team a été un véritable déclic : tout redevenait possible, je côtoyais d’autres personnes dans le même cas que moi, on partageait des expériences, nos ressentis, nos astuces. Je n’étais plus seul. Et cela change tout. Le premier week-end annuel du team en Auvergne est arrivé comme un déclencheur. Déclencheur d’émotions, déclencheur de partage, mais surtout déclencheur d’une nouvelle mentalité de battant : plutôt que me cacher dans la peur de l’échec ou de l’hypo, j’ai décidé de changer mon approche.
Inscrit au trail de Castelpontin version 12 kilomètres et 150m de dénivelé positif pour revenir en douceur sur les distances, j’ai eu envie de l’aborder de manière détachée, sans contrainte, sans objectif autre que le plaisir en course, la liberté et le partage. Et si c’était tout simplement ça la clé : ne pas se tromper d’objectif. Tellement évident mais tellement difficile. Il faut noter que l’apéro la veille le midi, le restau le soir, le coucher tard et une nuit pas terrible (trop chaud, trop de bruit, trop tout) ont permis de débrancher un peu plus facilement le mental qui d’habitude anticipe, calcule, rumine…

Les membres du Type 1 Running Team au départ du Trail de Castelpontin le dimanche 25 octobre 2015 / Pont-du-chateau (Auvergne)
Le départ est prévu initialement à 13h, ce qui ne correspond pas trop à mes horaires habituels de course (plutôt le matin ou le soir). Avec quand-même quelques essais sur ce créneau horaire les semaines précédentes, je décide de garder mon schéma habituel: petit déjeuner aux environs de 8h avec un fruit, du pain complet, du fromage et un verre d’eau ou de thé (environ 70g de glucides avec 40g dans le pain et 30g dans la banane). Malgré une glycémie au révéil un peu haute (1,5g/l, un peu de laxisme la veille pour ne m’assurer de ne pas faire d’hypo nocturne), je fais mon injection habituelle d’insuline avec 1,5u pour rester dans cette zone aux environ de midi, 1h avant le départ.
11h50: même si habituellement, je commence à me préparer 1h avant, je prends en compte le stress pré-compétition et 10 minutes d’échauffement pour anticiper un peu et commencer mon protocole 1h10 avant. Avant ça, une glycémie pour confirmer que je suis à 1,4g/l, ce qui est exactement ce que j’attends. Je passe le débit basal de ma pompe à -90% (qui reste intact avant et pendant l’effort, jusqu’au franchissement de la ligne d’arrivée) et mange ma collation pré-effort (cf la recette ici, que j’adapte en réduisant la proportion d’amandes et en augmantant celle des farines de riz/avoine/orge: j’en prends 5 cuillères, ce qui représente environ 60g de glucides à index glycémique modéré d’environ 35, donc un apport progressif et continu).
Après quelques couacs et hésitations entre 13h et 13h30, les organisateurs se décident à lancer la course à 13h10 soit 1h20 après mon changement de débit et collation: à quelques secondes du départ, je suis à 1,9g/l, ma glcyémie a peu augmenté (+0,5g/l depuis ma collation) mais je suis parfaitement dans l’objectif fixé (> 1,6g/l avant de courir). Tout se présente bien et ça me donne la sérénité nécessaire pour aborder le départ dans de bonnes conditions. Bizarremment, je suis d’habitude plutôt stressé pour les compétitions mais je suis à ce moment-là totalement présent, conscient, ici et maintenant. Rien ne peut m’arriver, tous les voyants sont au vert. Je suis là. Je suis prêt. J’attends avec impatience le coup de sifflet libérateur…
5… 4… 3… 2… 1… GO!
Je décide de garder en ligne de mire Nathalie dans les premiers kilomètres et de voir comment se sentent les jambes pour aviser ensuite. L’objectif est de ne pas être trop calculateur, du genre “allez, il faut que je fasse du 12 km/h” ou “mince, je ne dois pas être bien classé, il y a du monde devant”. Mais tout l’inverse : observateur privilégié de l’instant présent, du paysage, du cadre très bucolique dans lequel on court mais surtout des sensations. L’état dans lequel j’ai abordé l’avant-course semble prometteur : ici pas de ruminement de sensations négatives qui monopolisent et plombent rapidement le moral, du genre “attention, ça va trop vite” ou “pfiou, j’ai pas de jambes là, qu’est-ce qui se passe?!”.
Au contraire, les jambes sont légères (en tout cas au début…), je me sens bien et je suis plutôt dans ce ressenti agréable de déconnexion du mental que j’espérais : vivre le moment présent, c’est tout ce qui compte! Les kilomètres défilent vite (surtout plus vite que quand je passais mon temps à regarder ma montre auparavant…), les quelques montées ne me font pas peur vu les marches d’escaliers que j’ai englouties pour la préparation du Lyon Urban Trail by night d’ici 15 jours. J’ai décidé de laisser dérouler mon allure, de ne plus suivre mon “lièvre” et d’évoluer en toute liberté, guidé par mon ressenti. Une fois la butte principale et le ravitaillement passés, je sais que je vais pouvoir dérouler en descente et plat jusqu’à la ligne. Je me laisse guider par les chemins et profite tout du long.
Au bout d’une heure, je sais que les derniers kilomètres arrivent et qu’on dépassera probablement les 12 kilomètres prévus (au final, ça sera 13,5…). J’ai mon testeur de glycémie avec moi au cas où, mais ne le sortirai pas, malgré les sensations de fatigue arrivant sur la fin, qui parfois se confondent avec un début d’hypoglycémie. Je fais confiance à mon organisme et mon instinct, qui me dictent de continuer jusqu’à la fin. Un petit regain d’énergie final me maintient à un peu moins de 14 km/h et je déroule. La ligne d’arrivée commence à se faire désirer, surtout avec la fin sur quelques méandres de route qui n’ont que peu d’intérêt, sinon nous acheminer vers le village d’arrivée. Encore quelques dizaines de mètres, les encouragements se font présents et je passe la ligne, serein, soulagé d’en découdre quand-même, mais surtout fier.
Une mesure de glycémie juste après l’arrivée à 1,1g/l me conforte sur mes sensations de fin de parcours, je suis bien, peut-être un peu bas par rapport à ce que je pensais (plutôt autour de 1,5g/l d’habitude) mais c’est une gestion impeccable de Mme glycémie :) Le temps de retrouver ceux du team déjà arrivés et d’attendre et applaudir ceux qui vont suivre, tout se passe très vite. J’ai juste à savourer désormais l’effort accompli, avant de changer de débit basal et passer de -90% pendant la course à +80% dès l’arrêt de l’effort et pendant 1h, pour contrer l’effet rebond glycémique… J’en profite même pour goûter une bonne soupe de légumes sur le ravitaillement d’arrivée, avant d’aller casser la croûte avec le pique-nique que j’avais prévu.
Au final, le bilan est très positif
Bonne gestion de la glycémie, bonnes sensations, bon état d’esprit. Un trio qui me rassure sur les progrès accomplis en terme de réglages et de gestion de l’effort, dans tous les sens du terme (physiologique & psychologique). Maintenant, place à un peu de récupération et le retour du soir se fera vers Lyon, avec des souvenirs plein la tête de ce week-end très riche d’enseignements et de rencontres. Le type 1 running team, ça change un homme!
Vincent CHARTIER, LYON