Diabétique depuis 35 années, j’ai commencé en 2008 à courir mon premier marathon, Sénart.

Pris au jeu, je décidais les quatre années suivantes, d’en courir un annuel, Sénart, Paris, Reims, le bout du monde. Toutes ces années d’entraînement étaient ponctuées de semi-marathons, 10 km et autres distances préparatoires, toutes ces mises en situation me permettaient d’analyser mes besoins en insuline et d’adapter préalablement mes doses, alors traité par injections.

2012 fût pour moi le passage sous pompe et la possibilité d’adapter mon traitement aux différents entraînements tout en planifiant plus librement leurs horaires et prévenant leurs suites (glycogénèse). C’est en 2013, par curiosité que je m’inscrivais sur l’Ecotrail 50km de Paris. Cette distance rallongée éveilla en moi l’idée d’une course encore plus longue ; j’envisageais alors un 100 km sous deux ou trois ans. Je poursuivais cette année 2013 par les marathons de Sénart, Berlin et La Rochelle. Aujourd’hui entraineur d’athlétisme course hors-stade, je déconseille à tous cette façon de faire car comprenant trop de courses longues annuelles pour un coureur dit niveau 3 mais le dépassement de soi, que voulez-vous ?

En 2014, je participais à un 6h et aux marathons de Rotterdam, Sénart, Tours et New York. L’idée était d’accumuler les expériences de course, de « bouffer » du kilomètre et aidé de capteurs glycémiques portés en permanence depuis le printemps 2014, d’établir des protocoles d’adaptations insuliniques et de ravitaillement.

2015 est l’année du marathon de Barcelone, de Sénart (en accompagnement) et des 6h de Tinténiac.

La préparation physique du 100 km d’Amiens débutait en juin. A raison de 5 à 7 entraînements hebdomadaires, je pratiquais 80 km de course à pied hebdos auxquels s’ajoutaient 30 à 50 de vélo. Parmi ces 5 séances, pour les habitués, on trouvait

  • une sortie longue, de plus en plus longue au fil de semaines mais ne dépassant jamais 3h
  • Une séance de fractionné court type 3km de 30/30
  • Une sortie courte et douce pour assimiler la ligne d’au dessus
  • Une séance moyenne avec des blocs à vitesses marathons et semis
  • et bien sur une séance douce

Ces séances se couraient à toutes heures et j’avais observé la différence de gestion insulinique et d’apports selon les horaires. Les sorties se faisaient généralement à Endurance Fondamentale (60% VMA), elles nécessitaient donc d’apprendre à courir lentement (pour ménager la « monture ») et majoraient considérablement les apports glucidiques donc des réductions de débits. En revanche les séances rapides, dîtes de fractionné, M‘obligeaient à un bolus juste avant l’entrainement, et oui catecholaminfilièrelactiqu’party !

 

Toutes ces expériences sont personnelles et ne s’appliqueront pas forcément chez d’autres coureurs diabétiques.

Au fil des mois d’entraînement, j’observais une diminution des effets glycémiques, l’hyperglycémie des séances fractionnées persistait, en revanche les sorties douces, même de 3h, ne nécessitaient plus de modifications de débits. Mes apports glucidiques consistaient en du « coco cala » absorbé à raison de 20 cc par 20 à 30 minutes et en cas d’hypo ou courbe décroissante, d’une pâte de fruits de 20g.

Durant ces 4 mois de préparation spécifique, j’ai systématiquement diminué mes débits nocturnes post-entraînements de 20 voire 30%, avec des courbes nocturnes sympathiques et des glycémies au réveil souvent satisfaisantes. Je passais faire un saut chez ma pédicure 15j avant et l’ostéo 5.

Les 15 jours précédant les 100 furent très cools, néanmoins à J-5, l’adrénaline commençant à faire son effet et l’activité physique étant considérablement réduite, je dus augmenter mes débits. Je cherchais pourtant à maintenir une normoglycémie au moins sur les 48h précédentes et changeais au moindre doute mon KT.

Type 1 Running Team - Sport et diabète

Evolution de la Glycémie de Jerome sur la journée du 100km

 

 

Partons  pour Amiens

Type 1 Running Team - Sport et diabète

Petit déjeuné composé de 60g de glucides

Comme indiqué sur la courbe, la nuit précédente avoisine les 2g et réveillé vers

3h, je boluse de 2u pour obtenir une glycémie de réveil (5h) à 1,2g.

Mon capteur glycémique fut posé 3j avant la course et le KT la veille au matin.

Le petit-déj (cf photo) d’environ 60g de glucides est éliminé en 6u, espérant une glycémie postprandiale autour de 2,5g pour le départ des 100.

 

 

 

 

7h / départ

La glycémie est à 1,7g ; sur les conseils de ma diabétologue du sport, je réduis mon débit pompe de 50% (soit 0,5u/h).

Nous avions décidé avec mes 2 camarades de course, d’appliquer la méthode Cyrano : cette méthode consiste en courir par exemple 14 minutes et en marcher 1, puis la distance augmentant, de réduire le Cyrano à 9/1 puis 4/1 à proximité de l’arrivée. Le Cyrano permet une récupération musculaire et une réduction du rythme cardiaque.

Dès 7h14, nous appliquons notre méthode Cyrano, travaillée lors de nos sorties longues.

Des ravitaillements sont proposés tous les 5 km avec « coco cala », des eaux pétillantes, des « trucs », de la « vache qui pleure »,….Mes 2 cyclistes accompagnants se délestent donc de ces mêmes produits.

A une vitesse de 10,3 km/h répétée depuis juin et une minute marchée à 6 km/h, je prends 20cc de « coco » à tous les ravitaillements.

8h03 / 10 km / 1h de course

A une moyenne de course de 10 km/h, je surveille mes glycémies et observe 1 heure après la modification de débit, une augmentation glycémique très marquée.

9h06 / 22 km / 2h03 de course

10h06 / 30 km / 3h03 de course

Tolérant un 2,5g, je m’inquiète d’un 3,34g et décide de réduire mon débit de 30% au lieu de 50 et de boluser de 2u. Je sais la manoeuvre risquée mais crains l’acétonémie et l’apparition de crampes à 70 km de l’arrivée. Mon débit passe alors à 0,43 u/h

11h23 / 42 km / 4h20 de course

La réaction est immédiate, la sensation d’hypoglycémie apparait suite à une glycémie diminuée de 2,34g en 1h et stabilisée à 1g. Ne voulant pas passer en hypo, j’arrête l’hydratation stricte en eau pétillante et engloutit coco, pâte de fruit sortie du vélo et raisins secs. Je réduis mon débit à – 70% et verrais bien. S’ensuivent quelque kilomètres pénibles.

12h12 / 50 km / 5h09 de course 

La course commence, les jambes deviennent des poteaux mais l’arnica et les cachetons de magnésium semblent m’aider. La glycémie remonte à 1,4g, désormais je me ravitaillerai en coco, trucs, fromages et soupe chaude de légumes à chaque ravitaillement. Je reviens à un débit de 50% que je garderai jusqu’à l’arrivée soit 0,37 u/h.

13h26 / 60 km / 6h23 de course

La glycémie atteint les 2g mais je garde mon débit

14h34 / 70 km / 7h31 de course

La glycémie atteint 2,6 g sans plus, je réduis mes apports glucidiques et privilégie boissons gazeuses, graisses et protéines.

15h40 / 80 km / 8h37 de course

Légère décroissance glycémique, pas de dégoût ni sucré ni salé aux ravitaillements, un vrai robot : je ne suis plus moi, je suis en « course automatique » et mange et avale ce que je dois. Tant pis pour les nausées.

16h47 / 90 km / 9h44 de course

Les 10 plus longs kilomètres de ma vie. Pourtant courus à vitesse honorable, les kilos me paraissent longs mais l’objectif sous les 11h semble réalisable si je ne craque pas (crampes), je me gave d’arnica et magnésium. Salut Cyrano, j’ai plus le temps, je passe les ponts sans marcher mais stoppe aux ravitos. La glycémie ? Je m’en tape, mon objectif : finir vite !

17h53’39 » / The end / 10h50’39 » de course

Seuls les 2 derniers kilomètres sont une libération, le dernier, l’extase ; les 500 derniers mètres sont marqués d’un trait vert au sol et l’arche rouge d’arrivée me tend les bras ; mes vélos m’encouragent, hurlent et l’arrivée applaudit lisant « Union Sports et Diabète sur mon T-shirt », je termine en 10h50 et une glycémie à 2,4g. J’augmente alors mon basal de 20% pour 4h et boluse de 4unités.

Je majore mes unités du repas et ne diminue pas mon débit nocturne, pressentant une glycogénèse bien plus tardive. Effectivement, j’ai vu juste, j’ai changé mon KT le lendemain midi du fait d’hyperglycémies résistantes mais ne parviens pas 24h après la course à retrouver une normoglycémie malgré des bolus cumulés.

 Jérome TRUBLET